Étude sur la situation des PPR dans les universités et centres affiliés du Québec

Québec, octobre 2013

  • On compte un peu plus de 2 500 professionnelles et professionnels de recherche (PPR) au Québec dans les universités et centres affiliés francophones.
  • L’enquête par questionnaire auprès de cette population s’est déroulée en mai 2013 et elle a obtenu un taux de réponse de 45,9 %.
  • L’échantillon a été pondéré selon le sexe, l’employeur et le domaine de recherche.
  • L’enquête couvre l’Université Laval, l’Université de Montréal, l’UQAM, l’Université de Sherbrooke et les autres constituantes de l’Université du Québec ainsi que les centres affiliés en santé dans les régions de Québec et de Sherbrooke.
  • Près de 60 % des PPR sont des femmes et travaillent dans tous les champs disciplinaires : 38 % se retrouvent dans les sciences et le génie, 31 % dans les sciences humaines et sociales, 28 % dans les sciences de la santé et 3 % dans les sciences de l’administration.
  • Les PPR forment une population jeune avec une ancienneté faible. Près de la moitié d’entre eux est âgée de 35 ans, alors que la moitié compte tout au plus de quatre ans d’ancienneté chez leur employeur.
  • Les PPR sont des travailleuses et travailleurs du savoir : la presque totalité d’entre eux possède un diplôme de premier cycle, alors que plus de 80 % possèdent un diplôme de deuxième cycle et 25 % un doctorat.
  • Les PPR jouent un rôle essentiel dans l’accomplissement des principales missions universitaires au Québec. Ils sont grandement impliqués dans toutes les étapes relatives à la production et à la diffusion de connaissances scientifiques. La moitié des PPR participe à la rédaction d’articles scientifiques et 40 % d’entre eux participent à la fois à la rédaction de rapports de recherche et d’articles scientifiques. Ils réalisent également des activités cruciales dans la coordination des projets de recherche et dans l’encadrement et la formation des étudiantes et étudiants.
  • Malgré le rôle essentiel qu’ils jouent dans la recherche et la formation, les PPR sont des travailleuses et travailleurs du savoir défavorisés : leur sécurité d’emploi et leurs perspectives de promotion sont très faibles. Le quart des PPR occupe un emploi à temps partiel. Cette proportion est de 17 % chez les hommes et de 31 % chez les femmes. Près des trois quarts des PPR travaillent dans le cadre d’un contrat à durée déterminée et 85 % de ces contrats sont d’une durée d’un an et moins.
  • La très grande majorité des PPR, soit près de 80 % d’entre eux, vivent une situation d’emploi atypique.
  • Concernant la maternité, les femmes sont victimes d’une certaine discrimination, puisque 8 % d’entre elles affirment qu’on leur pose des questions sur leurs projets de maternité lors des entrevues d’embauche.
  • Dans une proportion de 40 %, les PPR se retrouvent dans les modèles de travail, tendu et actif. En comparaison des PPR des autres modèles de travail, passif et détendu, les PPR des modèles tendu et actif assument une charge de travail bien plus élevée, sans changement significatif sur le plan de l’autonomie. Ils apportent également la plus grande contribution à la recherche en réalisant des activités plus complexes et à plus grande valeur ajoutée tout en faisant montre d’une plus grande polyvalence. Ils se consacrent enfin plus intensément à leur travail, n’hésitant pas à accomplir davantage de temps supplémentaire. Par contre, de manière paradoxale, ils bénéficient de la plus faible reconnaissance à tous les points de vue (sécurité d’emploi et perspectives de promotion plus faibles, propriété intellectuelle moins bien reconnue, aucun avantage salarial ainsi qu’une estime réduite). Enfin, les PPR des modèles tendu et actif bénéficient du soutien social inférieur, tant de la part de la personne supérieure que des collègues.
  • Les tensions associées à la conciliation travail et famille sont plutôt faibles, en raison de la nature de l’emploi qui rend possible le travail à domicile et permet une grande flexibilité dans les horaires de travail. Toutefois, ces tensions se concentrent principalement dans les modèles de travail tendu et actif.
  • Dans les modèles de travail tendu et actif, il y a un déséquilibre important entre les contributions et les rétributions. Conformément à la littérature scientifique, un tel déséquilibre est grandement susceptible d’affecter la santé mentale et de conduire à des situations de détresse psychologique et d’épuisement professionnel. Cela se traduit également par un accroissement de l’intention de quitter son emploi.
  • Les facteurs agissant sur la qualité de l’emploi et sur celle du travail ne sont pas tout à fait les mêmes.
  • La qualité de l’emploi est principalement associée à la durée du financement et à la nature des dispositifs organisationnels au sein desquels se réalise la recherche. Plus la durée du financement est longue et plus importante est la présence des dispositifs collectifs de recherche, meilleure est la qualité de l’emploi, notamment sur le plan de la sécurité d’emploi et des perspectives de promotion.
  • Quant à la qualité du travail, elle est principalement influencée par la nature et les exigences de celui-ci. L’intensité et la complexité du travail ne sont pas en correspondance avec l’autonomie et la qualification de ce dernier. L’agencement cohérent de ces deux ensembles de facteurs exigerait la conception et la mise en œuvre de pratiques organisationnelles appropriées.
  • En outre, l’existence d’un déséquilibre entre les contributions et les rétributions indique l’absence de pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) adaptées. En conséquence, les contraintes de l’environnement externe, soit les fluctuations associées au financement de la recherche, d’une part, et la nature et les exigences du travail, d’autre part, agissent directement sur la qualité du travail et de l’emploi avec les conséquences négatives que cela est susceptible d’entraîner sur le plan des risques psychosociaux et sur celui du roulement de la main-d’œuvre.
  • Le pari à faire concernant la situation des PPR et le développement de la recherche au Québec consiste à miser sur l’amélioration de la qualité du travail et de l’emploi des PPR afin d’améliorer les performances en recherche au Québec. Pour gagner ce pari, il faut améliorer les pratiques de GRH dans les universités et les centres affiliés et contribuer à l’amélioration de la sécurité d’emploi en stabilisant davantage le financement de la recherche par l’accroissement de sa durée et le développement des dispositifs collectifs.

Paul-André Lapointe, ARUC – Innovations, travail et emploi
Département des relations industrielles, Université Laval

Chedli Baya Chatti, professionnel de recherche, Université Laval
Hans Ivers, Statistika Consultants

Avec la collaboration de :
Luc Caron, vice-président, SPPRUL-CSQ
France Bernier, conseillère syndicale, CSQ
Rachel Lépine, présidente, SPPRUL-CSQ